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Intervention de Marinette BACHE, Conseillère de Paris
(République et Socialisme)
COMBAT LAÏQUE, COMBAT SOCIAL
10 février 2018 – Espace conférence des Diaconesses
Cher-e-s ami-e-s,
La gauche est en mauvais état. La laïcité aussi. J’ai le sentiment que ce n’est pas sans rapport. Je ne parle pas de l’état électoral de la gauche, je parle de ses débats internes qui me paraissent si peu à la hauteur des enjeux.
Aussi, moi qui ai toujours situé mon engagement militant dans la suite et de la Révolution française et du Mouvement ouvrier, c’est ce lien enfin fait entre le combat laïque et le combat social qui m’a attirée à signer cet appel.
Nous voulons porter ensemble, malgré nos différences, une exigence de Liberté, d’Egalité, de Fraternité. Pour toutes et tous.
Une telle exigence ne peut s’exprimer pleinement qu’au sein d’une République sociale et laïque et qui s’assume comme telle.
Il fût un temps où cela était naturel, où chacun connaissait notre Histoire, où la gauche était indissociable du combat républicain, du combat pour l’égalité, du combat pour la liberté de penser.
Ce combat pour la République, il a été mené frontalement face à l’Eglise catholique. Il était alors porté par toute la gauche clairement, sans ambiguïté, fièrement ; et conjointement avec celui de l’Ecole publique. Il s’agissait de permettre à la pensée de se libérer du dogme. Il s’agissait, « en même temps », de permettre l’épanouissement de tous –en particulier des classes populaires, abandonnées jusqu’alors aux mains des « ignorantins », tout un programme !
La gauche savait que la République laïque, non seulement protégeait les plus faibles, mais était leur seule garantie de pouvoir s’élever, de devenir pleinement citoyens. Citoyennes !
Alors que s’est-il passé ? Il s’est passé que pour des raisons économiques et sociales mais aussi parce que la culture du « différencialisme » anglo-saxon s’est installée aux dépens de l’Universel, notre société fait de moins en moins « Nation » au sens de Renan. Le « Vivre ensemble » est devenu, au mieux, vivre les uns à côté des autres et trop souvent les uns contre les autres.
Le drame de la République absente ne se joue pas dans les beaux quartiers. Là-bas, le mot « laïcité » est travesti pour servir d’alibi au rejet du pauvre. Ces pourvoyeurs de « manif pour tous » nient l’universalité de l’être humain que seule reconnait la laïcité : même droits –dont le droit à l’indifférence !- quels que soient l’origine, le sexe, la religion, réelle ou supposée, ou l’orientation sexuelle.
Le drame de la République absente saccage la vie de nos banlieues et de nos quartiers populaires. Les premières victimes en sont les femmes.
C’est étrange de constater qu’une forme de néo-colonialisme conduit une partie de la gauche à ne pas savoir traiter chacun –surtout chacune- comme un (une) Egale-e. Et refuse de débattre avec une autre tradition et surtout de s’y affronter, allant jusqu’à magnifier les racialistes, à soutenir le P.I.R. (le pire ! vous l’entendez comme vous voulez).
C’est inquiétant que cette gauche présuppose spontanément qu’une femme issue de l’immigration maghrébine ait envie de porter le voile. Comme les catholiques d’il y a un siècle pensaient que la place des femmes étaient à la maison, qu’elles y trouvaient leur bonheur en élevant les enfants…
C’est désespérant que le rapport de pouvoir des hommes sur les femmes et la pression de la bien-pensance soient évacués. Car enfin les fondamentalistes d’aujourd’hui donnent au hijab la même fonction que St Paul il y a 2000 ans. Il disait : «L'homme, lui, ne doit pas se voiler la tête: il est l'image et la gloire de Dieu, mais la femme est la gloire de l'homme. Voilà pourquoi la femme doit porter sur la tête la marque de sa dépendance».
La République peut-elle accepter cela ? Nos compatriotes croyants de diverses religions ne se distinguent pas par leurs pratiques religieuses. Ainsi 75% des personnes « supposées d’origine musulmane » ne vont pas à la mosquée le vendredi ; plus d’un tiers de ces mêmes personnes se déclare croyant mais non pratiquant ; et pour les jeunes ayant suivi leurs études ou vivant dans des quartiers « mélangés », lorsqu’ils sont croyants, leur islam revendiqué est un islam d’Europe, modernisé et leur foi est personnalisée.
Attention : au contraire, dans les quartiers ghettoïsés, on constate que chez les collégiens se reconnaissant comme « musulmans religieux », 41% remettent en cause l’égalité femme-homme et 47% estiment que les homosexuels ne sont pas des gens comme les autres ! Voilà à quoi, la République absente abandonne ces gamins, nos enfants.
Invitons toute la gauche à regarder ces réalités en face !
Permettre la prégnance de la religion dans certains quartiers, c’est refuser un même exercice de la citoyenneté sur notre territoire et brimer les plus défavorisés ; c’est aussi accepter pour les femmes l’humiliation de la soumission.
Voila pourquoi je nous invite collectivement à faire vivre la République partout en liant combat social et combat laïque, les 2 faces d’un même progressisme.
Et je terminerai en rageant qu’il peut être des organisations syndicales, censées être comme nous des héritiers du mouvement ouvrier, de ce mouvement libérateur de l’être humain qui puissent saisir les autorités pour essayer d’exiger la censure d’un texte écrit par Charb, qui a payé, lui, de sa vie, son attachement à la liberté d’être et de penser, à l’égalité. A la laïcité, quoi !
Eh oui, je suis TOUJOURS CHARLIE !