Le gouvernement vient d’annoncer diverses mesures pour « relancer la construction de logements » qui par étapes successives a glissé au-dessous des 300 000 logements annuels face aux 500 000 promis ; celles-ci reposent pour l’essentiel sur un diagnostic erroné.
La loi ALUR, votée par le Parlement et traduction concrète d’un engagement du candidat Hollande, même si elle intervient à un mauvais moment du cycle macroéconomique (l’évolution du CAC40 sur les deux dernières années rend l’investissement boursier plus profitable que l’investissement immobilier) n’est pas la responsable de la situation, ne serait-ce que parce que la plupart de ses décrets d’application ne sont pas sortis.
Le cœur du problème est la place exorbitante qu’occupe aujourd’hui, le montant des dépenses de loyer et plus globalement de logement (chauffage, électricité, internet)dans le budget des ménages, ceci dans un marché de pénurie liée à la démographie, à l’insuffisance d’offre dans certains secteurs et à l’évolution des modes de vie (décohabitation des ménages). Cette place est très supérIeure à ce que connaissent d’autres pays d’Europe et notamment l’Allemagne, ce qui constitue un indéniable frein à la croissance : les sommes consacrées à se loger sont perdues pour les autres secteurs économiques.
Depuis la loi Barre de 1977, les politiques publiques d’aide à la personne, de plus en plus coûteuses, ne font que courir derrière cette hausse des loyers alimentée par la défiscalisation de l’investissement locatif privé, véritable trappe-à-hausse des loyers, et par la fuite en avant du coût des terrains.
La loi ALUR est porteuse de mesures de régulation des marchés en imposant une meilleure maîtrise des « recettes de poche », pas toujours justifiées par un réel service rendu, de certains secteurs professionnels intervenant sur le marché, en imposant un encadrement des loyers dans les zones tendues, en permettant de limiter certains malthusianismes d’élus avec des plans locaux d’urbanisme qui peuvent désormais être intercommunaux – malthusianisme illustré par la remise en cause de nombreux projets par des municipalités récemment élues. En remettant en cause l’encadrement, qui n’est pas en soi une politique mais une composante d’une politique de régulation, le gouvernement se tire une balle dans le pied et ruine sa propre logique en acceptant que les dépenses des ménages s’orientent prioritairement vers les loyers au détriment des autres secteurs économiques.
L’Etat est-il exempt de tout reproche :
Dans le locatif social, n’a t’ il pas tergiversé dans ses relations avec le secteur du « 1% logement » ?
Dans l’accession, n’a t’il pas exclu de l’accès au prêt à taux zéro (PTZ) l’acquisition de logements existant, ce qui pénalise les primo-accédants qui ont aujourd’hui presque disparu ?
Sur le plan foncier, a t’il respecté ses engagements de libération de son propre foncier au bénéfice des collectivités locales ? N’a t’il pas, en multipliant les transferts de charges non compensés, conduit les départements exsangues financièrement à faire des droits de mutation une variable d’ajustement de l’équilibre de leur budget, surenchérissant ainsi les transactions immobilières ?
Les pistes d’action :
La politique du logement, qui n’est qu’une composante de la politique urbaine, tant la question foncière joue un rôle essentiel, ne peut se limiter à des mesures ponctuelles. Elle doit voir la puissance publique s’emparer d’une vision claire et pérenne de son rôle de régulateur qui ne peut s’exercer sans une action foncière volontariste, préalable à toute politique de construction, et sans des mesures adaptées aux caractéristiques du marché : c’est le cas, dans un marché de pénurie, de l’encadrement des loyers dans les zones tendues qui n’est pas une finalité mais l’application d’un principe de réalité .
Elle ne peut non plus se limiter à la construction neuve : l’adaptation du parc existant constitue un enjeu majeur tant en matière de transition énergétique, de relance du secteur BTP par des activités non délocalisables et de justice sociale- les dépenses énergétiques obèrent les budgets de ceux qui n’ont pas le choix-, pour lesquels l’obtention du taux de TVA à 5%, difficilement obtenue ,fut un signe positif.
François MARTOT Economiste, délégué National de République et Socialisme chargé de l'Environnement, urbanisme, logement