Ecologie et question sociale
Intervention de Patrice SIARD Secrétaire Général de R&S lors de la table ronde sur le thème « Ecologie et question sociale »
(Au stand GDS-RS, de la Fête de l’Humanité, le samedi 14 septembre 2019).
La question de la préservation de l’environnement se pose depuis longtemps. Lors de l’élection présidentielle de 1974 le candidat écolo René Dumont prêtait à sourire en se rendant au débat télévisé de la campagne...en calèche… ! Pourtant il avait anticipé !
Depuis, il est incontestable que des mesures législatives sérieuses ont été prises, notamment sous la pression de quelque personnalités médiatiques et des partis politiques concernés. Mais la prise de conscience du réchauffement climatique (après celle du trou dans la couche d’ozone apparemment raccommodé !) ravive un débat dans lequel le capitalisme financier a toujours freiné des quatre fers.
A ce propos, si la prise de conscience citoyenne de la nécessité de l’action individuelle apparaît nécessaire, la lutte contre l’impunité des grands groupes capitalistes est déterminante en la matière.
1- la discipline individuelle pour le respect de l’environnement est indispensable, ne serais-ce que pour favoriser l’hygiène publique et une vie en société agréable et belle. Mais de bien mauvaises habitudes ont été prises sous l’influence insidieuse de la course au profit inculquée par le capital. L’exemple de la multiplication des emballages plastiques est significative sur ce sujet et on mesure aisément la difficulté rencontrée pour inverser la vapeur.
En outre, on constate que les grands groupes continuent sans vergogne sur leur lancée, notamment avec leurs usines polluantes ou dans la production de véhicules automobiles énergivores, et que le système de leurs lobbies notamment européens, n’a de cesse que de verrouiller toute velléité politique de réglementer leur production. Le chantage à l’emploi direct ou indirect, est l’arme favorite et efficace que les firmes utilisent pour continuer le travail de destruction des ressources naturelles.
De plus, comme André Gorz l’a bien démontré, lorsqu’un rapport de force sectoriel a pu donner un coup d’arrêt dans tel ou tel secteur, le capital possède une étonnante capacité de récupération à rebondir, à s’adapter, à contourner, à récupérer à son profit le bénéfice de productions nouvelles.
La dictature idéologique du « tout tout de suite » et du « toujours plus vite » revient vite remettre en cause les exigences de qualité de la production, tout en amplifiant la poursuite de l’exploitation mondiale des salariés et la destruction des petites exploitations familiales et du commerce de proximité.
Mais le pouvoir de droite, trop perméable aux pressions des lobbies, ne peut être porteur d’un tel projet et la gauche, sauf exception, apparaît encore désunie et trop timorée sur ce sujet, malgré une prise de conscience incontestable.
2- De fait, une véritable politique écologique est indissociable d’un projet global de société. Outre la mauvaise volonté capitaliste, sa mise en œuvre se heurte à la fois à des contradictions techniques et au poids idéologique des habitudes acquises.
La politique des transports du gouvernement actuel est réellement caricaturale sur ce sujet. En contradiction avec son discours, en faveur de la diminution de la quantité de gaz carbonique émise, le gouvernement démonte pièce par pièce l’organisation du réseau ferré en supprimant les petites lignes et les dessertes jugées non rentables, encourageant du même coup le développement automobile et celui du transport aérien. La suppression systématique des services publics de proximité (poste, télécoms, finances, santé, justice...) relève du même processus
De façon plus délicate, la question de l’alternative énergétique au « tout pétrole » pose la question de l’équilibre des énergies de substitution, entre la production nucléaire et l’intégration de ses dispositifs de sécurité et de fiabilité, dans un contexte où le recours excessif à la sous-traitance reste posé, et des sources nouvelles (photovoltaïque, énergie marémotrice notamment), dont le développement reste influencé par le poids des marchés et des lobbies . En outre, le choix du développement de l’énergie éolienne reste lui aussi dépendant des choix d’EDF.
Enfin, pour ce qui concerne les alternatives au tout pétrole, le coût des véhicules électriques et les conditions d’extraction des minerais nécessaires sont loin d’être régulés aujourd’hui de façon satisfaisante.
En conséquence, pour sortir de ce marais des bonnes intentions, seule la proposition d’un vrai projet de société, débattu et planifié peut permettre de relevé le défi. Seule la gauche peut s’en saisir, à condition de rompre de façon radicale avec le dogme de « la concurrence libre et non faussée » et d’une politique d’austérité imposée au peuple, au nom d’une orthodoxie européenne de la dette qui ne bénéficie qu’aux plus riches.
Il ne s’agit pas d’instaurer une civilisation de la décroissance. Il s’agit de mettre en place un modèle de société beaucoup plus sobre que celui dans lequel nous vivons et qui s’accompagne de la volonté de promouvoir une politique des revenus plus égalitaire.
Il s’agit également de promouvoir une planification raisonnée du progrès technique qui puisse stopper la fuite en avant dans le gaspillage de ressources à travers la guerre économique généralisée.
Il s’agit de stopper la destruction systématique et de refonder les services publics notamment dans les transports, la santé, la politique énergétique.
En lien direct avec le but recherché, une vrai politique du logement à travers un projet d’isolation systématique des constructions, ouvrirait une collaboration public- privé bien plus apte à développer l’emploi que les exonérations de cotisations sociales.
Enfin, ce projet ne peut voir le jour si nos dirigeants ne décident pas de renouer avec courage avec une politique étrangère indépendante, favorisant la coopération économique sociale et culturelle, que les récents gouvernements ont abandonné pour le mirage d’avantages économiques à court terme, dont chacun constate aujourd’hui le caractère illusoire à travers la stagnation persistante de l’emploi.
Reprendre un démarche à long terme à travers :
- une politique indépendante dans la résolution des conflits (moyen orient, Amérique latine),
- une politique africaine pour un réel service des peuples concernés,
qui, outre un développement économique basé sur l’échange, permettrait d’abaisser les tensions liées à l’immigration.
Ainsi, c’est au prix d’une volonté politique visant une approche rationnelle des problèmes que la question de l’environnement peut être prise à bras le corps. Elle ne pourra pas faire l’économie d’une confrontation avec un système capitaliste englué dans sa gangue financière.
Les citoyens ne supportent plus les mensonges, les faux-semblants et les bricolages à court terme de la caste qui, au gouvernement mettent leur étroitesse d’esprit au service de la démesure et de la folie.
La gauche doit donc relever ce défi.