Intervention de Michel Jallamion de République et Socialisme Conseil Régional Ile de France commission Formation/apprentissage
INTERVENTION CR 28-16
Motion de renvoi
Madame la Présidente,
Monsieur le vice-président,
Ce rapport concerne l’ensemble de la mandature or :
- ce rapport reçu vendredi soir après 21h n'a pas pu être débattu dans la commission de finance ni celle de la formation professionnelle. C'est dommage. Cela aurait permis de vous éviter d'aller à Rungis pour y chercher des apprentis à 6 heures matin. Car des apprentis il y en a. Le Président de la chambre des métier, du conseil général et les élus municipaux sont mobilisés pour la formation. Pour votre information il y a un CFA de la Poissonnerie à Rungis. Et il y a plein d'apprentis dans les pavillons de la viande, des légumes, de la charcuterie. Ils sont là çà des horaires normaux dans le respect du code du travail. Contrairement à ce que vous dites Cela prouve que votre article 7 voulant supprimé le droit du travail des salariés ne sert à rien.
- Le CREFOP ne sera réellement consulté qu’à postériori et semble être considéré, page 7 du rapport, comme un organe exécutant alors que les articles L6123-4-1 et L6123-3 du code du travail donnent au CREFOP la responsabilité d’élaborer une stratégie coordonnée en matière d'emploi, d'orientation et de formation professionnelle.
- Les partenaires sociaux n’ont, bien sûr, pas été consultés alors que moult orientations induisent une charge de travail supplémentaire pour les professeurs, les missions locales et le personnel de la Région.
Le seul point étonnamment positif c’est que tout cela ne se conclut pas par un article unique donnant plein pouvoir à Valérie Pécresse.
Madame la Présidente, Monsieur le vice-président,
L’apprentissage mérite mieux qu’une énième campagne de comm’ autour du cri, Ô combien original, de « L’apprentissage c’est formidable ! ».
Et bien non, l’apprentissage c’est plus si formidable que ça !
Dès que l’on évoque l’apprentissage tout le monde pense au boulanger, à l’ébéniste, au mécanicien. Or aujourd’hui il s’agit là d’une infime partie.
La baisse de l’apprentissage aux niveaux 5 et 4 ne tient pas à un défaut d’attractivité, de communication, mais à des raisons structurelles. Les métiers manuels ont évolué comme celui de la mécanique qui demande de moins en moins la transmission du savoir d’un geste, d’une façon de faire, mais la maîtrise d’outils techniques, de l’informatique, ce qui est très bien pris en charge par les lycées professionnels.
L’apprentissage serait selon vous un formidable outil d’intégration, un formidable ascenseur social. C’est faux, archi faux.En 2013 en IDF seulement 9 % de 'ensemble des apprentis résidaient en zone urbaine sensible.
L’enquête menée au Céreq par la sociologue Prisca Kergoat démontre que l’apprentissage au sein de l’enseignement supérieur, que vous voulez intensifier, ne réduit pas mais renforce les inégalités sociales ainsi que la discrimination subie par les jeunes issus de l’immigration.
88% des apprentis du « haut » ne sont pas des apprentis du « bas ». Pour les 12% restant l’origine sociale est comparable à celle des étudiants.
Le développement des CFA d’université ou de grandes entreprises entraîne une hyper-sélection inaccessible aux bac pro. C'est donc ce« plafond de verre » que renforce votre rapport.
Ajoutons à cela que la résistance de l’apprentissage à la féminisation est bien supérieur aux autres formations : rien ne figure de cela dans votre rapport.
Deuxième partie de votre image d’Epinal pour petits et grands: l’apprentissage serait un outil de lutte efficace contre le chômage. C’est également faux.
Je vous renvoie à l’ouvrage de Dif-Pradalier et de Zarka «Redonner ses chances à l’apprentissage » où il transparaît clairement qu’en France, l’adéquation formations-emplois n’a pas pour but qu’un jeune maîtrise un métier à forte reconnaissance sociale et dispose de compétences estimées par les professionnels. Le but est de constituer un marché des compétences individuelles, un rapport qualité-prix reposant sur la concurrence entre établissements de formation et le «libre choix » de l’individu doté par l’État d’un crédit de formation professionnelle.
Enfin vous pointez du doigt les ruptures de contrats qui touchent en IDF 1 apprenti sur 5, 29% du niveau V, 24% du niveau IV. Mais pour quelles conclusions ? Elles ne reprennent en rien celles du rapport récent du ministère du travail qui demande à suivre de mieux articuler les périodes d'enseignement et de pratique ; veiller aux conditions de vie du jeune via un système de veille au sein du CFA… Les inspecteurs généraux ont attiré l’attention sur les outils d’évaluation manquants que vous ne développez nullement.
Vos solutions sont libérales et simplistes, et à part quelques gadgets, elles ne vont pas dans le sens des jeunes.
Comment oser appeler le chapitre 3 « donner plus de droits aux apprentis » ?
Les droits nouveaux ? Le statut étudiant – ce qui peut avoir des aspects positifs – et une participation de la Région au coût de la partie code de la route du permis de conduire pour ceux qui ont les moyens de se payer l’essentiel c’est-à-dire les heures de conduite. C’est peu très peu.
Le revers ? Une déréglementation que vous espérez absolue. La fin de la distinction de leur statut d’avec celui des salariés, faisant fi de leur âge, de leur inexpérience professionnelle. La transformation de l’apprenti en bénéficiaire d’un chèque emploi-service, pire sa transformation en patate chaude que se transmettrait différents employeurs. Ce dernier point montre à quel point votre volonté de rapprocher l’apprenti de son lieu de travail est un vaste enfumage.
Quel sens de la rhétorique vous avez ! Une rupture d’apprentissage par un apprenti serait une raison d’accorder plus rapidement la prime d’apprentissage à l’entreprise, sans même vérifier s'il n'y a pas des pressions ou défaillance de l’employeur. Le monde de l'entreprise ce n'est pas le pays des bisounours : ce sont souvent, selon le Panorama 2014, les conditions de travail extrêmement difficiles liées à une faible rémunération qui expliquent les 34 % de rupture pour les bac pro en 3 ans.
Le pompon de ce rapport? La transformation de salariés bénéficiant d’une expérience professionnelle en apprenti : peu importe que cela soit un aller-retour à la case départ à 50 ans, une négation de toute une vie professionnelle.
Nous ne pouvons que déplorer l’ensemble de votre vision.
Je vous remercie
Explication de vote
Nous basant sur les éléments suivant du rapport :
- Précarisation du statut de l’apprenti par la volonté de l'assimiler à celle d'un salarié classique sauf pour le salaire, par sa mise à disposition à un pool d’entrepreneur et par l’assimilation de sa formation à une prestation payable par chèque emploi-service ;
- absence de mise en place de mesures permettant de résoudre le problème des ruptures de contrats ;
- volonté de développer une sorte d’élitisme de l’apprentissage qui est, avec l’évolution des métiers, une des raisons fondamentales du non accès des enfants issus de milieux populaire à l’apprentissage ;
- Mélange CFA-lycées pro supposant une mixité du public et des parcours sans aucun moyen déployé, étude sérieuse et consultations des représentants du personnel ;
- Absence des raisons, hormis la plus-value pour les entreprises, qui pousse la Région à favoriser l’apprentissage actuel à la voie scolaire professionnalisante ;
- absence de comparaison entre la voie de l’apprentissage et la voie scolaire en terme de débouchées et de promotion sociale selon les différents milieux sociologiques.
- non-évaluation de la charge de travail induite pour les missions locales ;
- absence des moyens accordée aux personnels de la Région sommés de trouver en leur sein des maître de stage et ce dans le cadre du non renouvellement à 50% des emplois de la Région partant à la retraite ;
- absence de mesures de lutte contre l’ensemble des discriminations (sociales, d’origine, de sexe) subit pour l’obtention d’un diplôme par la voie de l’apprentissage ;
Le groupe des élus front de gauche votera contre ce rapport.