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  • 1 Jean Jaurès, Extrait du Discours à la Jeunesse

    Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de noire bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques.
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  • 2 Jaurès

    Je n'ai jamais séparé la République des idées de justice sociale dans la vie privée, sans lesquelles elle n'est qu'un mot.
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  • 3 Profession de foi du député J Jaurès 29 avril 1906

    La République est le seul gouvernement qui convienne à la dignité de l'homme, car elle seule met en jeu la raison et la responsabilité de tous...
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  • 4 Jaurès

    Je porte en mon cœur un rêve de fraternité et de justice, et je veux travailler jusqu'au bout à le réaliser.
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  • 5 Jaurès

    La République c'est le droit de tout homme, quelle que soit sa croyance religieuse, à avoir sa part de la souveraineté
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Intervention d’André CHASSAIGNE Président du groupe GDR à l’assemblée  Nationale le Mardi 16 septembre 2014

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Chers collègues,

 

La première responsabilité d’un Gouvernement est de conduire la politique choisie démocratiquement et en conscience par le peuple.

Pourtant, Monsieur le Premier ministre, en écoutant votre déclaration de politique générale, je n’ai pas trouvé les orientations politiques qui ont conduit, en 2012, à la victoire. Victoire obtenue grâce au soutien populaire à la gauche, dans sa diversité.

Du reste, vous fermez la porte à tout dialogue et à toute discussion sur le contenu de la politique que vous entendez mener. Vous refusez par avance tout débat sur les choix qui sont les vôtres en matière économique et sociale. Comme vous refusez de consulter le peuple sur le bouleversement de notre architecture territoriale.

Il en va de même pour les choix faits sur la scène diplomatique qui engagent pourtant la crédibilité internationale de la France.

Je ne reviendrai pas sur l’épisode désastreux de Gaza et l’abandon du peuple palestinien, mais notez combien il est absurde que notre représentation nationale soit obligée de quémander un débat alors que la France s’apprête à rejoindre une coalition, sous l’égide de l’OTAN, pour intervenir contre l’Etat islamique dans une région dévastée par les interventions à répétition. Je le dis en rappelant avec force que nous avons aucune complaisance pour les fanatiques qui perpétuent tant de crimes contre l’humanité. Mais une fois encore, le Parlement ne sera consulté qu’après-coups, alors que le choix d’intervenir sans mandat de l’ONU est un signal funeste pour notre diplomatie qui ne sait plus faire entendre la voix originale de la France. Une diplomatie qui, désormais, tourne le dos à la voix diplomatique.

Nous mesurons combien il est urgent que notre pays se dote d’une nouvelle constitution pour que voit enfin le jour qu’une VIème République parlementaire, sociale et participative.

******

A l’heure même où le peuple attend, plus que jamais, que nous le représentions pour résoudre les graves difficultés du pays, vous nous dites qu’il n’y a pas d’alternative, que la voie sans issue dans laquelle vous êtes engagés est la seule voie possible.

Pourtant, nos concitoyens font le constat que les majorités qui se succèdent appliquent aveuglément les mêmes recettes depuis des années sans que la situation ne s’améliore, sans que les inégalités ne reculent.

Aussi, le vote que nous allons émettre tout à l’heure n’engage effectivement pas seulement votre responsabilité, mais aussi la nôtre.

Il engage notre responsabilité d’élus du peuple, déterminés à défendre les intérêts de nos concitoyens.

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Vous avez fait le choix de rompre unilatéralement et sans appel le contrat qu’avait signé François Hollande avec les Français en 2012.

En gouvernant à contre-sens des engagements pris, Monsieur le Premier Ministre, vous précipitez la crise morale et politique que nous traversons. Et en affirmant qu’il n’y a pas d’alternative, en justifiant vos choix libéraux par des impératifs techniques, en masquant l’enjeu d’une offre politique de gauche, vous faites obstacle au débat de fond sur les choix de société.

La vérité, c’est que vous êtes résigné et tétanisé face à la puissante vague néolibérale et réactionnaire.

La vérité, c’est que vous vous proclamez «progressiste» et moderne alors que vous avez déserté le combat des idées et des valeurs pour vous laisser guider par une maladie ancienne : le «réalisme gestionnaire». Un soi-disant «réalisme», devrais-je dire, puisqu’il se traduit en réalité par un approfondissement permanent des difficultés qu’il prétend combattre.

Nous refusons pour notre part que l’obsession des équilibres financiers tienne lieu de cap et de vision politique. Comme si notre destin commun, le destin de notre peuple, ne s’appréciait qu’à l’aune de la seule rentabilité financière des entreprises du CAC 40 et des milliards d’euros de baisse des dépenses publiques.

La fracture est de plus en plus nette entre le peuple et les élites (politique, financière, médiatique, bureaucratique, intellectuelle). C’est qu’elle se nourrit de l’accroissement sans précédent des injustices et des inégalités économiques et sociales. Ce terreau de l’inégalité et de l’injustice cultive lui-même les divisions et les antagonismes dans une société sous tension identitaire, et incertaine de ses valeurs communes.

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Non seulement votre politique est injuste. Mais elle masque aussi la vérité.

A l’heure où l’on rappelle à juste titre le devoir d’exemplarité des élus, faut-il rappeler que le premier de nos devoirs d’exemplarité est le devoir de vérité ?

Pourquoi cacher qu’il existe une alternative à gauche à la politique d’accélération des réformes libérales que vous nous proposez de soutenir et d’accompagner ?

Qu’il existe une alternative à la servilité volontaire à l’égard de la Commission européenne et du gouvernement allemand.

Qu’il existe une alternative au suivisme de notre diplomatie sur les positions de l’OTAN et des Etats-Unis. C’est en cela, Monsieur le Premier Ministre, que la France se grandira.

Qu’il existe une alternative à la complaisance dont vous faites preuve à l’égard du Medef.

Qu’il existe une alternative au discours qui prétend faire des chômeurs des coupables, une alternative à la politique « austéritaire », au pacte de responsabilité, au CICE…

Oui, Monsieur le Premier Ministre, il existe bien une alternative aux recettes qui donnent depuis des années les mêmes résultats économiques, sociaux et politiques. Une partie grandissante de la majorité dans cette assemblée est d’ailleurs disponible pour accompagner la conduite de cette politique alternative.

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Monsieur le Premier ministre, nous croyons à la possibilité de bâtir une autre Europe que celle imposée par les « techno-libéraux » et qui confond allègrement le bonheur des peuples avec celui des banques et autres firmes internationales.

Nous portons l’exigence que soit enfin donnée une impulsion politique en faveur d’une Europe sociale et l’élaboration d’un véritable « Traité social européen » porteur de valeurs et de normes protectrices de nos travailleurs, socle d’une Europe solidaire libérée de la tutelle des marchés financiers, des dogmes du libéralisme et de l’austérité budgétaire.

Comment accepter que le projet européen soit d’aller plus loin encore dans l’idéologie du libre-échange et dans la doctrine de la concurrence « libre et non faussée » en soutenant le processus de négociation du Traité transatlantique hors de tout contrôle démocratique et au mépris de la souveraineté des peuples ?

Ce traité, dicté, rappelons-le, par les seuls intérêts des firmes internationales et des grands opérateurs économiques, ne vise qu’à la conquête des marchés, la mise en concurrence des salariés et le nivellement par le bas des normes sociales, sanitaires et environnementales.

L’objectif de ce traité est, là encore, contraire à notre modèle social à notre modèle de développement. Il est contraire aux valeurs de la gauche.

Nous continuons à exiger la suspension immédiate des négociations transatlantiques, inacceptables sur la forme comme sur le fond. Or, rien ne nous porte à croire que votre Gouvernement rejettera ce Traité. Pire, si l’on en croit les modifications apportées par les députés de votre majorité à notre proposition de résolution de mai dernier, nous sommes en mesure de penser que ce Gouvernement tient pour acquis qu’il s’agira d’un bon texte !

 

******

 

Mes chers collègues, nous avons la conviction que l’avenir de la gauche, dans notre pays, passe par l’élaboration et la mise en œuvre d’un authentique « pacte de solidarité » à la hauteur des attentes et des aspirations de nos concitoyens.

Pour cela la gauche doit s’engager dans une dynamique de rassemblement. Parce qu’il n’est pas trop tard pour remettre l’emploi, le progrès social, la reconversion écologique au cœur des réflexions et des propositions de la gauche.

Monsieur le Premier ministre, vous adoptez une attitude de repli et de conservatisme idéologique. Or, ce n’est pas par la baisse des dépenses publiques et la poursuite fiévreuse de la compétitivité que l’Europe et notre pays pourront sortir de la crise.

Il faut faire le choix de la relance de l'investissement public, du relèvement des salaires, de l'innovation et de la promotion de l'emploi qualifié...

 

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Malheureusement, la feuille de route que vous venez de tracer n’offre aucune perspective en ce sens.

Pourtant, depuis 2012, un bilan objectif de la politique conduite aurait dû vous servir de lanterne.

Vous prétendiez réduire les déficits : ils se sont aggravés.

Vous prétendiez inverser la courbe du chômage : des milliers de nos concitoyens perdent chaque jour leur emploi.

Vous prétendiez faire reculer la pauvreté : les pauvres sont aujourd’hui de plus en plus pauvres et les travailleurs pauvres ne font plus figure d’exception dans le monde du travail.

Vous prétendiez vous poser en protecteur des plus fragiles : vous annoncez un simple petit «coup de pouce» pour les petites retraites, une simple prime en lieu et place d’une revalorisation pourtant promise.

Vous proclamez maintenant votre «amour pour l’entreprise». Mais si l’on aime vraiment les entreprises, la première des preuves d’amour n’est-elle pas de les empêcher de fermer ?

Monsieur le Premier ministre, en disant cela, je ne suis pas de ceux qui vous blâment d’avoir répondu à l’invitation du MEDEF. Le premier responsable de l’action d’un Gouvernement se doit de répondre à l’invitation de tous ceux qui ont une responsabilité dans la marche du pays.

Mais l’on ne peut y aller, comme vous l’avez fait, pour caresser la main de ceux qui portent si lourdement la responsabilité de l’échec du redressement économique.

Monsieur le Premier Ministre, ce qu’il fallait dire aux représentants des grandes entreprises, c’est que la gauche n’accepte plus de voir les richesses produites par les salariés être dilapidées dans les dividendes stériles versés aux actionnaires.

Ce qu’il fallait leur dire c’est que la hausse de 30% des dividendes en un trimestre - 40,7 milliards de dollars ! – est un hold-up insoutenable pour le pays, auquel il faut mettre un terme.

Ce qu’il fallait leur dire, c’est que la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale, qu’ils ne cessent d’entretenir et d’aggraver par leurs montages financiers, leurs filialisations et délocalisations, allait devenir la priorité de l’action politique de la gauche, pour rapatrier de gré ou de force les 80 milliards d’euros volés chaque année au budget de l’Etat.

Ce qu’il fallait leur dire, c’est que le coût exorbitant du capital, les près de 300 milliards d’euros versés chaque année aux actionnaires et aux banques en intérêts, c’est le principal boulet de la compétitivité française, c’est le cancer de la raison économique qui doit être combattu.

Ce qu’il fallait leur dire, Monsieur le Premier ministre, c’est que leur boulimie financière est un crime contre la société française, contre sa jeunesse, contre ses forces vives.

Monsieur le Premier ministre, en faisant cela, vous n’auriez sans doute pas gagné les applaudissements de l’assemblée patronale. Mais vous auriez démontré, courageusement, que l’économie française n’a pas vocation à être la variable d’ajustement des puissances financières.

J’ajouterai qu’en disant cela, vous auriez été un fidèle artisan de la responsabilité politique et du respect de la parole du Bourget.

Avec les 40 milliards d’euros de nouvelles subventions publiques en direction des entreprises, le patronat n’est pourtant pas à plaindre. Mais cela n’empêche pas le MEDEF de multiplier ses revendications. Hier encore ! Espérons qu’au-delà des mots de votre déclaration vous ne les suivrez pas dans leurs nouvelles provocations. Il reste que vous vous engagez à les satisfaire sur bon nombre de points : le travail du dimanche, la baisse des cotisations sociales, la hausse des seuils sociaux…

Monsieur le Premier Ministre, la question centrale n'est pas aujourd’hui celle d’une prétendue insuffisance de la capacité «d’offre» ou encore le «coût du travail».

Le problème, c’est que les carnets de commande de nos entreprises, nos PME, nos petites entreprises et de nos artisans sont vides. Et, dans ce contexte, votre politique qui conduit à la stagnation des salaires et à la réduction des dépenses publiques alimente la récession.

Comme nous l’avions souligné, dès son élaboration, le «Pacte budgétaire» est le péché originel de François Hollande.

Ce traité s’avère, comme nous le craignions, mortifère pour les pays de la zone euro, condamnés à se livrer une guerre économique sans merci plutôt que de coopérer.

Or, la France devrait aujourd’hui constituer un large front en Europe pour promouvoir : une nouvelle stratégie fondée sur des investissements massifs pour la transition écologique ; une lutte résolue contre l’évasion et l’optimisation fiscale ; des mesures fortes pour réorienter l’activité bancaire et réduire la domination de la finance sur l’économie réelle ; une volonté farouche de redonner du souffle aux services publics et aux collectivités locales.

Ce n’est pas la voie choisie.

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En veilleur des valeurs de gauche, Jean-Jaurès alertait sur les risques de dérive. Il le disait avec des mots forts :

«Les hommes pratiques […] sont ceux qui emploient quelques mots humanitaires pour amorcer les suffrages du peuple et qui, sous ces mots, ne mettent aucun sentiment ardent, aucune idée précise qui puisse inquiéter les privilégiés.»

En cette année d’hommage à sa pensée et à son action, un gouvernement qui se dit de gauche se doit d’y être attentif et s’inspirer de son esprit de justice et de solidarité.

Pour les députés du Front de gauche, cette déclaration de politique générale sonne comme une déclaration de défiance à l’endroit du peuple.

C’est pourquoi nous ne vous accorderons pas notre confiance. 

                                                                                                        

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