La loi relative à la sécurisation de l’emploi
(Extrait motion d’Orientation CNO des 22 et 23 novembre 2014 Rochefort en Terre (56))
Votée en Mai 2013 par le Parlement et faisant suite à la conférence sociale de Juillet 2012 et à l’accord intervenu en Janvier 2013 sous le nom d’A.N.I., elle marque une rupture importante avec la pratique française d’élaboration du Code du Travail puisque HOLLANDE a voulu privilégier la négociation par rapport à la loi.
Sur la méthode, l’accord a été signé par des syndicats minoritaires, ce qui est contraire à toute la tradition française ; il fut ensuite demandé au Parlement, en procédure d’urgence, avec une seule lecture du texte, de valider l’accord avec des amendements homéopathiques, ceci au nom du respect de l’accord.
Sur le fond, la dégradation de la compétitivité de l’industrie française, qui a engendré de nombreux plans sociaux ces dernières années, a vu un patronat très offensif obtenir gain de cause sur des enjeux majeurs avec une réforme du mode d’élaboration de la procédure de licenciement, celle des accords compétitivité emploi en cas de ralentissement de l’activité, le raccourcissement des délais et la maîtrise de ceux-ci par une direction du travail manquant de moyens - la non réponse dans les délais légaux valant acceptation - et la limitation du recours au juge. Ainsi s’envole l’engagement de campagne 35 du candidat Hollande : »je renchérirai le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions »
Les contreparties sont « assurées » par la généralisation de la mutuelle santé, des droits rechargeables pour les salariés licenciés, ce qui ne serait pas négligeable si le financement ne restait pas à valider et une taxation a minima des contrats courts avec exonération de cotisations sociales sur les embauches de jeunes . La volonté politique de limiter la précarisation des contrats n’est pas explorée alors que des pistes existent : le financement des accidents du travail selon l’accidentologie de l’entreprise est un exemple, la prise en compte de la structure des emplois dans l’assiette du calcul de l’impôt sur les sociétés en est un autre.
Certains ont parlé d’accord de flexisécurité à la danoise ; si l’accord et la loi changent fortement la donne en matière de flexibilité, il est muet sur l’absence de moyens suffisants à Pôle Emploi pour améliorer la fluidité du marché du travail, l’accompagnement des demandeurs et le retour à l’emploi et pour aider à la formation et à la qualification réelle des salariés devant s’adapter perpétuellement aux mutations technologiques. Mais le fond du problème n’est pas Pôle Emploi, c’est qu’il manque 5 millions d’emplois avec une politique qui intensifie la désindustrialisation au lieu de la combattre, truque les statistiques du chômage et favorise les détenteurs de fortunes au lieu de déployer son énergie à une relance économique.
Au moment où ce texte est validé, dans le cadre de la négociation sur la modernisation du dialogue social, un nouveau front s’ouvre visant à remettre en cause les seuils déclenchant la représentation du personnel, le patronat proposant la suppression des délégués du personnel en dessous de 50 salariés et une instance unique au- dessus de 50 salariés assumant les missions des actuels délégués du personnel, du comité d’entreprise, des C.H.S.C.T. et des délégués syndicaux.
Avec une monnaie européenne unique et l’harmonisation sociale et fiscale par le bas imposée par la Commission européenne avec, bien sûr, la complicité active de l’ensemble des gouvernements européens, les salaires (cotisations sociales patronales incluses) sont la variable d’ajustement ; a fortiori lorsqu’ils baissent ailleurs y compris dans de nombreux secteurs en Allemagne où la pauvreté s’étend et la croissance ralentit, voire devient nulle.
Pour République et Socialisme, le respect et le renforcement de la démocratie sociale, ainsi qu’un droit du travail protecteur, sont des fondamentaux non négociables ni négligeables. De la réorganisation des CHSCT (décret du 26 Juin 2013) à la suppression des élections prudhommales (loi en passe d’être adoptée à ce jour) en passant par la réorganisation de l’Inspection du Travail (décret du 20 Mars 2014), loi examinée en première lecture à l’Assemblée Nationale le 20 Mai 2014), telle n’est pas , loin s’en faut, la route prise par ce gouvernement. Inscrivant son action dans la ligne droite de ses prédécesseurs depuis 2002, il en poursuit la logique de dessaisissement des tribunaux pour le règlement des litiges sociaux et le démantèlement des garanties et contrôles, au nom de la « simplification » et de « l’efficacité ». Sans prétendre livrer de propositions toutes faites clés en mains, République et Socialisme tient à affirmer un certain nombre d’éléments fondamentaux pour rétablir une démocratie sociale et un droit du travail dignes de ce nom, et lutter contre le retour en force de l’arbitraire : - Le rétablissement absolu de la hiérarchie des normes entre loi, accords de branche, accords d’entreprise et contrats de travail : aucune disposition particulière ne doit pouvoir désavantager un ou des salariés par rapport aux garanties générales dont ils disposent ; - La garantie de l’indépendance de l’Inspection du Travail par le rétablissement des sections d’inspection et la suppression de la tutelle administrative exercée par les unités de contrôle : condition exigée par l’article 6 de la convention de l’OIT (organisation internationale du travail), l’indépendance de l’inspection du travail lui permet d’exercer convenablement sa mission première, répondre aux sollicitations des salariés ; - Le rétablissement des élections prudhommales : leur suppression est une atteinte à a démocratie sociale et menace directement la pérennité des conseils de prudhommes, juridictions indispensables pour permettre aux salariés de faire valoir leurs droits et de réclamer réparation en cas de violation de ceux-ci ; - Le retour plein et entier de la capacité d’expertise des CHSCT : loin d’être un gaspillage coûteux et inutilement long, l’expertise des projets par les CHSCT est une sécurité supplémentaire pour les salariés, qui vaut largement qu’on y consacre le temps et le coût nécessaires ; Ces quatre mesures fondamentales, loin d’être suffisantes, représentent cependant le minium indispensable requis pour aller dans le sens du progrès social. |