Modeste proposition susceptible de rassembler à gauche :
Pour une République laïque, sociale et écologique.
Dans cette période de crise sanitaire sans précédent République et Socialisme rend un profond hommage aux personnels des services publics, aux solidarités individuelles et locales qui se sont exprimés…
Nous vivons une crise sanitaire sans précédent, dont la gestion préventive par le gouvernement interpelle au point de générer du discrédit.
Cette crise va avoir des conséquences économiques et sociales considérables et durables. Provoquée, non par une crise financière, mais par une décision politique prise dans un contexte dérogatoire aux droits constitutionnels du Parlement, elle a conduit dans l'immédiat à des décisions inédites : recours massif au chômage partiel, prêts aux entreprise garanti par l'Etat, report de réforme jugées jusqu'à présent prioritaires par le pouvoir. Nous ne pouvons à court terme faire l'économie d'une évaluation de ces mesures.
Mais cet épisode dramatique constitue paradoxalement une occasion inespérée pour la gauche de renouer avec un projet concret de transformation sociale.
Les mouvements successifs puis complémentaires des « gilets jaunes » et « contre la réforme des retraites », constituent de ce point de vue une dynamique qu’il est important de ne pas laisser retomber.
Ces mouvements sont en effet le signe de l’impérieuse nécessité pour les citoyens de reprendre la main sur leur destin et sur leur vie, en réaction contre la technocratie au seul service du capital et vitalement impuissante à gouverner au nom du peuple français.
Cela étant posé, quel objectif politique la gauche est-elle prête à proposer aux français ?
Là est bien la question fondamentale à laquelle nous devons répondre, profitant du dévoilement public de la duplicité de l’État « macronien ».
La France doit devenir à nouveau un élément moteur en Europe et dans le monde afin de favoriser la paix et la coopération au bénéfice de tous. Il s’agit en effet de donner un coup d’arrêt à la folie du capital, notamment dans sa fuite en avant financière et environnementale.
C’est pourquoi il convient en premier lieu de casser le règne du marché et de la marchandise, dans les domaines vitaux pour l’équilibre et le développement économique et social de la société.
S’il est vrai que nous ayons quelque temps devant nous avant les prochaines élections décisives, autant entamer d’avance une réflexion de fond pour éviter les négociations en catastrophe et à la dernière minute.
Restaurer dans notre pays une République laïque et sociale avec l’égalité de droits et de devoirs pour tous les citoyens, ainsi que l’égalité territoriale, voilà l’enjeu politique qui nous est proposé.
Pour cela, notre objectif est de rétablir un véritable pouvoir d’État au service de l’intérêt général et sous contrôle populaire afin de répondre aux besoins prioritaires de la Nation.
I-) Rétablir en France une politique économique et sociale au service de l’intérêt général :
Depuis plus de trois décennies, l’État français a peu à peu abandonné toute volonté et perdu tout pouvoir d’orientation réelle sur l’économie du pays.
Or, aujourd’hui :
- la nécessité de mise en œuvre collective des traités internationaux en matière d’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique,
- la lutte contre les inégalités des échanges commerciaux qui engendrent pauvreté et conflits armés, partout dans le monde avec des retombées internationales notamment pour notre société française,
- la dépendance étrangère de nombre de besoins vitaux et,
- l’approfondissement des inégalités sociales et l’augmentation de la pauvreté et de la précarité dans notre propre pays.
Ce constat exige que l’État mette un terme à sa politique de laisser-faire du capitalisme international et national et en premier lieu sur le territoire français.
En conséquence :
- sachant dans quelles conditions l’Europe de Lisbonne nous a été imposée, des décisions immédiates seront d’emblée indispensables pour à un gouvernement de gauche, en rupture avec les « recommandations » anti-sociales de la Commission européenne, et ce avant d’aller plus loin.
- ce Gouvernement doit élaborer un programme de relance économique en s’appuyant sur des services publics forts, un droit du travail à nouveau protecteur pour les salariés, la reconquête d’une industrie nationale dans les secteurs clés, le contrôle des circuits bancaires.
- toute politique librement choisie par le peuple ne saurait précisément se concevoir sans une transformation radicale de notre Constitution.
11 – Des mesures immédiates incontournables :
Il s’agit de remettre en cause de façon radicale les mesures prises sous les trois derniers quinquennats, dont le caractère de classe et l’impact inégalitaire sont source d’oppression, sous couvert du prétexte fallacieux de favoriser l’emploi. Il s’agit notamment :
- des lois El Khomeri et des ordonnances travail,
- de la suppression de l’impôt sur la fortune,
- de la réforme de l’Assurance Chômage,
- de la réforme des Retraites.
- des versements injustifiés et incontrôlés aux grandes entreprises (CICE, « flat tax », notamment)
En outre, une relance raisonnable du montant des salaires adossée à une augmentation du SMIC et des minimums sociaux, et liée à une politique du logement non spéculative, est de nature à relancer l’économie interne.
12-Des services publics rénovés et partout présents :
L’encensement hypocrite de « l’héroïsme » de nos personnels médicaux par les responsables du Gouvernement, après plus de trente ans de mise en coupe réglée de leurs conditions de travail, et de leurs capacités d’action, a quelque chose d’aussi dérisoire que scandaleux. Le système de financement des hôpitaux publics qui induit une concurrence déloyale avec le secteur privé, libre de ses choix de patients à pathologies « rentables », doit être remis en cause : il faut reconstruire le système de santé publique et mettre en place un véritable service public de la santé. Ce système doit concerner également la recherche médicale, notamment en nationalisant les laboratoires pharmaceutiques, pour répondre aux besoins des soignants, des hôpitaux et des patients et non aux exigences des profits à court terme.
Mais il en va de même pour les autres services publics ou ex- services publics ( La Poste, SNCF, Orange, Sécurité Sociale, Impôts, Energie, Emploi, Education nationale), sacrifiés sur l’autel de l’austérité européenne et de la privatisation capitaliste de rentabilité à court terme.
Sans entrer dans le détail des services publics concernés, il convient d’en rétablir l’efficacité, la décentralisation et le monopole au service de tous et non de leur transfert au secteur privé lucratif.
Cela implique une politique de la part du Gouvernement et, suivant les cas, des collectivités décentralisés dotées par la loi des moyens budgétaires adaptés, et donc la remise en cause des traités européens au sein du Conseil ou de fait, concernant la privatisation des services publics dits « à la française » (transports et énergie notamment).
Reste la question centrale de la politique de l’énergie. Si la lutte pour la diminution de l’empreinte carbone apparaît prioritaire et doit donner lieu à une intransigeance permanente envers les entreprises polluantes, la transition concernant l’exploitation du nucléaire ne saurait donner lieu, bien au contraire, à l’arrêt des recherches en ce domaine. D’autres secteurs négligés jusqu’à présent ou abandonnés n’en doivent pas moins susciter l’attention des pouvoirs publics, comme l’énergie marémotrice ou l’isolation systématique des logements sociaux.
Ces deux aspects de la politique énergétique comportent en arrière plan d’une part, l’indépendance de la France en la matière, mais aussi l’impératif de sauvegarde de l’environnement par une lutte radicale contre les sources de pollution et, notamment la recherche d’accords internationaux pour la sanctuarisation de régions entière du globe (Arctique, Antarctique, Amazonie notamment).
Enfin, sur tous ces secteurs, le financement d’un grand projet de recherche publique à la hauteur des enjeux, discuté avec les professionnels concernés, serait de nature à rendre à notre pays les moyens de sa réputation.
13- Pour une reconquête de notre industrie dans les secteurs vitaux pour notre société :
Notre pays doit faire en sorte que son indépendance puisse à nouveau reposer sur des savoirs faire industriels dont nous devons nous assurer la maîtrise (industrie lourde, transports, électro ménager, pharmacie et équipement médical).
Plusieurs moyens peuvent être utilisés : nationalisations et renationalisations avec participation forte des salariés et citoyens usagers au sein des CA, attributions d’aides sur projets et contrôle des réalisations (tels que le secteur public l’applique actuellement pour les subventions aux associations... tout en laissant la bride sur le cou aux entreprises bénéficiaires du CICE !) .
Relocalisation des entreprises émigrées (textile, électro ménager, pharmacie et matériel médical).
14- Un développement d’entreprises innovantes et créatrices d’emplois :
On constate que ces innovations proviennent souvent d’une part des PME, d’autre part d’entreprises de toutes sortes à vocation coopérative. Jusqu’à présent, ce secteur apparaît fragile par suite souvent de sa position de sous-traitance d’entreprises plus importantes dont ils subissent les soubresauts ou, bien que financièrement viables, parce quelles se heurtent à la frilosité bancaire en matière de trésorerie notamment.
En ce domaine et de façon concomitante une politique industrielle ne fera pas l’économie d’une reprise en main du secteur bancaire par le pouvoir politique.
En la matière, l’échec des nationalisations des banques des années 80 doit nous contraindre à anticiper dans quelles conditions cette reprise en main pourrait s’effectuer.
Bien entendu, pour ce qui concerne le monde de l’entreprise, cela doit s’accompagner de la remise en ordre du droit du travail, massacré par les trois derniers quinquennats. Un projet de nouveau code du travail a déjà été élaboré en ce sens qui mérite une discussion approfondie et honnête.
15-Les moyens de la solidarité nationale et de la reconstruction :
Les dons et la charité ne sont pas suffisants !
Il faut mettre en place une fiscalité privilégiant l’impôt direct par rapport aux taxes indirectes et restauration de l’impôt sur les grandes fortunes, le tout accompagnés d’un véritable combat contre la fraude fiscale des grandes entreprises, sous toutes ses formes.
Dans le même esprit et dans l’actualité de la lutte contre la réforme des retraites, il convient de conserver aux régimes de Sécurité Sociale, toutes branches confondues leur autonomie financière hors des circuits financiers privés et spéculatifs, mais aussi du budget de l’État. Bien entendu, cette garantie de financement entre dans le cadre d’une remise à niveau de l’ensemble des branches du système (voir texte de RS sur la réforme de la protection sociale). La suppression des exonérations de cotisations pour les entreprises privées (hors associations) doit être la mesure immédiate de clarification, comme prélude à une refonte du système de cotisations réajusté entre les entreprises du CAC 40 et les petites et moyennes entreprises.
Il reste que les priorités sociales sont toujours l’emploi et le logement, liés en vue de l’éradication de la pauvreté et de la précarité. En ce domaine aussi des expérimentations, notamment associatives sont en cours qu’il convient d’évaluer objectivement.
Mais, en parallèle, il importe avant tout de relancer l’intérêt des français pour leur vie politique, progressivement confisquée par les élites auto-proclamées, dont l’inefficacité justifie ou explique l’abstention électorale.
16- Pour une nouvelle Constitution résolument républicaine :
La Constitution de 1958, taillée sur mesure pour le général de Gaulle et adoptée dans le contexte que nous connaissons, a entraîné au fil des septennats puis des quinquennats, une tendance au pouvoir personnel des présidents de la République transformés en personnages providentiels et omnipotents, l’élection présidentielle monopolisant l’orientation de la vie politique, au détriment d’un pouvoir législatif particulièrement anémié. Un retour aux sources de notre République une et indivisible, pourrait induire un renouveau politique indispensable, par l’adoption d’une nouvelle Constitution. Ce projet, élaboré dans des conditions de débat démocratique, auquel nous ne sommes plus habitués et tranché souverainement par le résultat d’un référendum, permettrait l’éventualité :
- d’une part d’un retour aux principes fondamentaux de notre République : Liberté, Egalité, Fraternité et Laïcité, sérieusement écornés depuis plusieurs décennies.
- d’autre part et en corollaire, d’une neutralisation du venin de la personnalisation du pouvoir républicain, qui empoisonne le fonctionnement de la vie politique française.
La logique de ce projet de constitution doit viser la réconciliation du peuple, miné par la démagogie putride de l’extrême droite, par :
- un renforcement et à un élargissement du pouvoir législatif,
- un retour à l’indépendance respective de chacun des trois pouvoirs,
- la restauration d’une structure réellement décentralisée par rapport à l’État central,
dans le cadre d’un financement autonome, éventuellement ajusté d’une inter-péréquation entre régions, afin de garantir l’égalité réelle des citoyens devant la loi.
- à une attention particulière à la garantie des libertés individuelles et collectives notamment face au pouvoir exécutif souvent tenté d’en contourner les exigences, au nom des nécessités ponctuelles du salut public, abusivement prolongées dans le temps.
- une réelle volonté de consultation des associations et des organisations syndicales.
Ce socle politique de base, apte à rétablir la confiance des français, serait ainsi restauré et repris en mains par la Nation, pour conforter la structure économique et sociale, alliant rigueur, souplesse et diversité.
II-Une politique étrangère autonome et coopérative :
La France doit à nouveau être en mesure de prendre toute sa place dans le concert des nations.
21-Pour ce qui concerne l’Europe, l’enlisement récurrent des tentatives de politiques communes doit nous amener à réagir de façon efficace. La France est la seconde puissance européenne. Plus que toute autre nation, elle est en mesure de peser si elle prend le risque de s’en donner les moyens et de « renverser la table ». Le fonctionnement dominant de l’Union, initié par l’Allemagne a fait son temps et apporté la preuve de son inefficacité à moyen terme.
Ainsi, en trouvant des alliés au sein de l’Union, il convient de remettre en cause :
- les critères de convergence issus du Traité de Maastricht et confirmés par les traités suivants,
- l’ objectif anti-inflationniste exclusif de la BCE (déjà mis à mal dans les faits à plusieurs reprises bien qu’au bénéfice des banques)
- le libre échange généralisé et imposé,
- l’absence d’harmonisation fiscale, le cheval de Troie des paradis fiscaux internes à l’Union (Irlande, Pays bas, Luxembourg).
- une conception de l’Euro qui constitue un carcan inefficace pour les économies et la politique sociale des pays européens.
- la primauté automatique du droit européen sur la législation nationale.
La France n’envisage pas « a priori » une sortie de l’Union, ni même de l’Euro.
Mais, abandonnant définitivement l’utopie fédérale, il s’agit de construire une structure de gouvernement européen beaucoup plus souple, permettant aux nations adhérentes de travailler ensemble comme « à la carte », en tenant compte de leur histoire, de leur économie, de leurs besoins et de leur vocation propre dans l’élaboration de politiques communes librement choisies.
22-La France doit renouer avec sa politique d’indépendance nationale vis à vis « des puissances économiques dominantes », à la fois pour ménager notre liberté dans le choix de nos interlocuteurs économiques, mais aussi afin de pouvoir intervenir de façon crédible et efficace dans les médiations nécessaires pour résoudre les conflits, dont les destructions ne sont pas sans conséquence sur le fonctionnement de notre société (Moyen orient, Afrique, Amérique du sud). Dans ces pays, l’histoire et la parole de la France n’ont pas encore été totalement oubliées, notamment depuis notre refus de la seconde guerre en Irak. Ces coopérations diplomatiques et économiques auraient le mérite d’élargir nos marges de manœuvre vis à vis de certains de nos partenaires, alliés pusillanimes ou trop envahissants.
En particulier, le suivisme systématique de la France envers la politique impérialiste des USA en Amérique latine et ailleurs doit être remis en cause.
La sortie de l’OTAN peut constituer un premier acte en ce sens en suscitant toute alliance utile pour sa mise en œuvre, au bénéfice d’un rapprochement négocié avec la Russie.
La France doit retrouver sa place de façon résolue au Moyen orient, notamment sur la question israélo-palestinienne, en réaffirmant de façon concrète et constante le respect des décisions de l’ONU en la matière.
Enfin, en Afrique, la France peut encore jouer une partition différente de celle menée depuis des années auprès des pouvoirs en place, dans le sens d’un co-développement au service des populations, en apportant son soutien à des gouvernements réellement représentatifs de leurs citoyens, au lieu et place de dictateurs corrompus à la solde des capitalistes français.
En outre, ces orientations contribueraient, à moyen terme, à la définition d’une politique cohérente dans l’accueil des étrangers sur notre territoire.
Face a cette crise, le gouvernement actuel appelle à un confinement jusqu’au 11 mai, mais dans le même temps la casse sociale continue. Le gouvernement a annoncé qu'il allait reprendre l'agenda social dès le 13 mai là où il l'avait laissé, les académies annoncent des fermetures de classes alors que les mobilisations sont impossibles, un inspecteur du travail, des hospitaliers sont sanctionnés abusivement, le droit du travail est remis en cause.
Conclusion :
Ce tour d’horizon rapide d’un projet de transition de gauche n’a rien d’original et pourrait d’autant mieux constituer un canevas de base pour un projet de gauche plus étoffé, plus équilibré et plus complet.
Cela étant, il constitue un minimum en deçà duquel rien ne changera de façon significative. En outre, il suscitera d’emblée une levée de bouclier du capital et de ses porte-parole attitrés ou officieux faisant feu contre lui (et donc contre nous !), par tous les moyens aujourd’hui à sa disposition, ce qui relance notamment le débat du statut des médias publics.
Comme après 1981, le poids idéologique de la technocratie ne jouera pas en notre faveur et la mobilisation des citoyens reste à construire dès maintenant.
Pour la gauche, c’est une question de volonté, d’intelligence, de coopération politique, de courage et de culot… ! Sommes nous prêts à cette bataille ? Posons-nous chacun, honnêtement la question de notre responsabilité et de nos capacités.
A Rouen, le 10 avril 2020